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générale de l’Europe. La nécessité d’établir un régime permanent de solidarité conventionnelle pour l’organisation rationnelle de l’Europe résulte en effet des conditions mêmes de la sécurité et du bien-être des peuples que leur situation géographique appelle à partager, dans cette partie du monde, une solidarité de fait.

Nul ne doute aujourd’hui que le manque de cohésion dans le groupement des forces matérielles et morales de l’Europe ne constitue, pratiquement, le plus sérieux obstacle au développement et à l’efficacité de toutes institutions politiques ou juridiques sur quoi tendent à se fonder les premières entreprises d’une organisation universelle de la paix. Cette dispersion de forces ne limite pas moins gravement, en Europe, les possibilités d’élargissement du marché économique, les tentatives d’intensification et d’amélioration de la production industrielle, et par là même toutes garanties contre les crises du travail, sources d’instabilité politique aussi bien que sociale. Or, le danger d’un tel morcellement se trouve encore accru du fait de l’étendue des frontières nouvelles (plus de 20 000 kilomètres de barrières douanières) que les Traités de paix ont dû créer pour faire droit, en Europe, aux aspirations nationales.

L’action même de la Société des Nations, dont les responsabilités sont d’autant plus lourdes qu’elle est universelle, pourrait être exposée en Europe à de sérieuses entraves, si ce fractionnement territorial ne trouvait au plus tôt sa compensation dans un lien de solidarité permettant aux Nations européennes de prendre enfin conscience de l’unité géographique européenne et de réaliser, dans le cadre de la Société, une de ces ententes régionales que le Pacte a formellement recommandées.

C'est dire que la recherche d'une formule de coopération européenne en liaison avec la Société des Nations, loin d'affaiblir l'autorité de cette dernière, ne doit tendre et ne peut tendre qu'à l'accroître, car elle se rattache étroitement à ses vues.

Il ne s'agit nullement de constituer un groupement européen en dehors de la S.D.N., mais au contraire d'harmoniser les intérêts européens sous le contrôle et dans l'esprit de la S.D.N. en intégrant dans son système universel un système limité, d'autant plus effectif. La réalisation d'une organisation fédérative de l'Europe serait toujours rapportée à la S.D.N., comme un élément de progrès à son actif dont les nations extra-européennes elles-mêmes pourraient bénéficier.

Une telle conception ne peut laisser place à l'équivoque, pas plus que celle dont procédait, sur un terrain régional encore plus restreint, la négociation collective des accords de Locarno qui ont inauguré la vraie politique de coopération européenne.

En fait, certaines questions intéressent en propre l'Europe, pour lesquelles les États européens peuvent sentir le besoin d'une action propre, plus immédiate et plus directe, dans l'intérêt même de la paix, et pour lesquelles, au surplus, ils bénéficient d'une compétence propre, résultant de leurs affinités ethniques et de leur communauté de civilisation. La S.D.N. elle-même, dans l'exercice général de son activité, a eu plus d'une fois à tenir compte du fait de cette unité géographique que constitue l'Europe et à laquelle peuvent convenir des solutions communes dont on ne saurait imposer l'application au monde entier. Préparer et faciliter la coordination des activités