Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’assemblée ayant à se reprocher de les avoir laissé commettre, et tous d’avoir contribué à une multitude de lois atroces, craignaient une assemblée entièrement nouvelle qui, n’ayant pas participé à leurs forfaits ou à leurs fautes, pourrait les appeler en jugement, et demander compte, au moins aux plus coupables, de tant de sang et de tant de spoliations.

Pour éloigner d’eux ce danger, ils imaginèrent fort adroitement de faire appliquer à l’assemblée qu’on allait former, la constitution de l’an III, qui établissait le renouvellement, par tiers seulement, des assemblées nationales, une fois formées en entier par le vœu des assemblées primaires.

Mais ne pouvant pas faire entrer cette disposition dans la constitution elle-même, ils l’établirent par deux décrets séparés, du 5 et du 13 fructidor, qu’ils envoyèrent à l’acceptation des assemblées primaires, en même temps que la constitution nouvelle, se flattant avec raison que le peuple confondrait ces deux choses, et se réservant de regarder toute acceptation de la constitution à laquelle ne serait pas jointe une réclamation contre les décrets, comme emportant leur acceptation même.

Jamais on ne s’était joué de l’opinion plus insolemment ; hardiesse monstrueuse dans des hommes qui professaient le respect pour le peuple souverain. Enchaîner la liberté des assemblées primaires dans l’exécution de la constitution elle-même en