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arriver chez moi Mme Lavoisier, veuve de l’estimable et intéressant Lavoisier, fille du fermier général Paulze, tous les deux égorgés par le tribunal révolutionnaire. Elle était accompagnée de Senneville, ci-devant avocat de la ferme générale, son ami et le mien, attaché dès sa jeunesse au grand-père de Trudaine et à toute cette famille, chez qui je l’avais connu.

Il prit la parole en entrant, et me dit : Vous ne soupçonnez pas ce qui vous attire notre visite, et quand je vous l’aurai dit, vous ne devrez pourtant pas en être surpris. Mme Lavoisier vient de rentrer dans tous ses biens. Elle croit devoir en grande partie cette justice qui lui est rendue, à l’auteur du Cri des Familles. Elle veut reconnaître les soins et le zèle de son défenseur officieux, et elle vient vous offrir elle-même un faible témoignage de sa reconnaissance.

En même temps Mme Lavoisier, prenant la parole à son tour, me dit à peu près les mêmes choses avec une noble simplicité, en mettant sur ma table deux rouleaux de 50 louis.

Je me récriais, lorsqu’elle reprit les raisons que Senneville venait de me donner. Senneville ajouta que je ne pouvais refuser cette satisfaction à Mme Lavoisier, que sa fortune mettait en état de s’acquitter envers moi ; qu’on payait les avocats, les défenseurs officieux, etc. Il fallait céder à cette douce violence, et c’est ce que je fis.

Alors je communiquai à Mme Lavoisier et à Sen-