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que la question a commencé à s’agiter dans les conseils, et en mai qu’elle a été décidée.

Je me rappelle une circonstance de ce temps-là, que je veux conserver. Il faisait un froid horrible. Le petit logement auquel il m’avait fallu me réduire, en louant tout le reste de la maison à M. et Mme d’Houdetot, est immédiatement sous le toit, et les murs n’en sont que de bois et de plâtre. Le froid y était cruel, et, après avoir mis sur mon corps trois et quatre vêtemens, j’étais obligé de m’envelopper encore de ma couverture, et d’interrompre à chaque instant mon travail, mes doigts et mon encre se gelant. Mais tout cela ne me décourageait pas.


Tantus amor florum, et generandi gloria mellis,


C’est-à-dire, que j’espérais faire un peu de bien, voilà le miel ; et obtenir quelque estime des honnêtes gens, voilà les fleurs et la gloire.

Mon ouvrage eut du succès, et, comme l’a dit Rœderer dans le Journal de Paris, le Cri des familles se fit entendre au loin. On en fit en quinze jours deux éditions, chacune de 1500 exemplaires, et une contre-façon de je ne sais combien. Les journaux en parlèrent avec beaucoup d’éloges[1], et

  1. Nous y joignons ce témoignage : « Morellet, judicieux et puissant antagoniste de toutes les iniquités, comme de toutes les inepties fiscales, plaida la cause des familles dans un écrit plein de force et de courage. » Lacretelle jeune, Hist. de la Convention, liv. V, page 389, troisième édition.