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sensiblement son appui et l’instrument de son despotisme.

La chute de Robespierre ayant rendu la liberté à une infinité de détenus qui attendaient la mort, que le monstre et ses suppôts ne leur eussent pas laissé attendre long-temps, Mme la comtesse de Boufflers et sa belle-fille sortirent de prison. Après le 10 août 1792, elles étaient parties pour l’Angleterre. Revenues en France vers la fin de 1793, elles furent jetées en prison à la Conciergerie, et tenues soixante-quinze jours dans un cachot humide, où elles ne pouvaient entrevoir la lumière que par un trou carré dans la porte ; forcées de coucher avec leurs vêtemens, pour ne pas se réveiller paralysées par l’humidité des murs. C’est là un des cent mille exemples de la lâche cruauté avec laquelle la révolution française a été conduite ; et toutes les atrocités qu’elle a exercées contre des femmes nous permettent de dire que les tyrans flétris par l’histoire, et traités avec raison de bêtes féroces, n’ont jamais approché de cette bête mille fois plus féroce appelée le peuple, monstre sans pitié, que ses innombrables têtes rendent plus terrible encore, et qui s’est trouvé composé en un moment de vils espions, de satellites dévoués et d’infâmes bourreaux.

Ces pauvres dames, unies jusque-là d’une amitié tendre pour leur bonheur mutuel, et alors plus rapprochées que jamais pour la souffrance et pour la mort, après avoir passé onze mois à la Con-