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nonciation, et qui me tranquillisèrent sur les suites qu’elle pouvait avoir, autant qu’il était permis alors de se rassurer. Et ce n’est pas dire beaucoup ; car, en ce temps-là, toutes les craintes étaient raisonnables.

C’est ainsi que se passait la seconde année de cette république, qui, en abolissant la royauté comme une tyrannie exécrable, avait garanti à tous les Français la liberté, la propriété, la vie. La liberté ! et il y avait alors dans l’étendue de la France deux cent mille suspects, dont une moitié, peut-être, de femmes, de vieillards, d’enfans, jetés dans des prisons horribles, entassés les uns sur les autres, nourris comme de vils criminels. La propriété ! et toutes les propriétés étaient au pillage, les biens de cinquante mille familles séquestrés, ceux des malheureux condamnés par les tribunaux révolutionnaires, confisqués et vendus. Enfin, la vie ! et à cette époque, en y comprenant les malheurs de la Vendée, deux cent mille Français avaient péri par les ordres de ce hideux gouvernement !