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cherchait à s’en tirer, et que moi-même j’avais été fort affligé d’y être retenu. Et où es-tu allé en avril ? — Au Val, près de Saint-Germain, chez le maréchal de Beauvau, que je n’ai point quitté jusqu’à sa mort.

Un de mes juges dit à cela : Le maréchal de Beauvau était un bon citoyen. Et je ne manquai pas d’ajouter que je l’avais toujours connu pour tel.

Ici mon interrogatoire devint plus étrange.

Pourquoi, me demanda-t-on, étais-tu gai avant le 10 août, et as-tu été triste après ?

Citoyens, répondis-je, je ne crois pas avoir été ni gai ni triste. Je suis, ajoutai-je, en donnant à mes traits le plus de gravité que je pus, je suis d’un caractère sérieux, comme il convient à un homme de mon âge, et j’ai vu les évènemens publics en homme raisonnable, soumis à l’autorité.

Là, ils se regardèrent en laissant voir qu’ils étaient contens de ma réponse. Où étais-tu le jour de la mort du tyran ? ‑ À Paris. — Mais où, en quel endroit de Paris ? — Chez moi, n’étant pas employé à la garde, que mon âge me dispense de monter en personne.

N’as-tu pas une maison de campagne près de Paris ? — Non.

N’en as-tu pas eu une ? — Non. À la vérité j’ai eu, à vingt-cinq lieues de Paris, à Thimer, auprès de Châteauneuf, un prieuré ; mais ce n’est pas sans doute ce que vous appelez une maison de campagne près de Paris ?