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Arrivé au comité vers les dix heures du soir, je le vois composé presque tout entier d’artisans en bonnets rouges, et dont deux ou trois seulement m’étaient connus de vue. Alors commence mon interrogatoire.

Comment t’appelles-tu ? — André Morellet. Quel âge as-tu ? — Soixante-sept ans. — D’où es-tu ? — De Lyon. — Un de ces gens me reprend : De commune-Affranchie. Je répète, de Commune-Affranchie. On venait de changer le nom de cette malheureuse ville, après y avoir égorgé cinq ou six mille personnes, et en avoir fait un amas de ruines.

Depuis quand es-tu à Paris ? — Depuis 1740. — Quel est ton état ? — Homme de lettres ; car, quoique j’aie porté l’habit que portaient les abbés, je n’ai jamais exercé les fonctions ecclésiastiques.

De quoi vis tu ? Quels sont, tes moyens d’exister ? — D’une pension que la Convention m’a accordée au mois de juillet 1793, motivée sur 35 ans de travaux utiles, et dont voici le brevet, sous le titre de récompense nationale.

Et je leur présentai le brevet, qui passa sous les yeux du président, et puis du secrétaire, les seuls qui me parussent savoir lire. Cette pièce commença à produire pour moi un effet favorable. Ils inclinaient la tête en signe d’approbation. J’observai cette disposition bénigne, et j’en profitai pour leur dire que les travaux dont le brevet fai-