Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tamment sa sanction. Les prisons de Paris, quoique très-multipliées, car on en comptait alors plus de trente, s’étaient ainsi remplies depuis les derniers mois de 1793. Pour exécuter plus sûrement, plus tranquillement les plans d’assassinat formés par cet horrible gouvernement, on avait chassé de Paris tous les nobles, par le décret du 17 germinal, c’est-à-dire, tous ceux dont les sollicitations, les réclamations, les plaintes, pouvaient donner quelque embarras aux égorgeurs, ou retarder l’expédition. On avait ensuite travaillé avec beaucoup d’activité, et quelques milliers de détenus avaient déjà péri. Les prisons, encombrées d’abord, s’étaient vidées rapidement, et les tribunaux révolutionnaires avaient moins de besogne. En renvoyant les nobles de Paris, et en ordonnant aux municipalités dans lesquelles ils se retireraient, de les faire connaître et de les surveiller, on savait où les prendre au besoin ; et c’est ainsi qu’on fit enlever aisément ceux dont je viens de parler : mesure qu’on suivit ailleurs, et qui se fût étendue partout, si le 9 thermidor n’eût pas mis fin aux opérations de cette belle justice.

Je dirai ici un fait qui pourra donner quelque idée de ces temps horribles. J’étais seul dans une assez grande maison, M. et Mme d’Houdetot, mes locataires, étant absens ; séparé de ma sœur, que je n’avais pas pu garder avec moi, faute de place, et de ma nièce qui était restée à la campagne auprès de Mme d’Houdetot. J’étais sans domestique,