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sage établi cache l’énormité de l’abus aux yeux de celui qui en profite, et il est possible qu’il n’ait pas cru se rendre coupable d’avidité, en imitant ses prédécesseurs. Depuis ce temps nous avons vu bien pis sans sourciller.

Il passait, comme je l’ai dit ailleurs, une grande partie de l’année dans sa terre de Brienne, qu’il avait si magnifiquement embellie, et où je fus témoin, pendant plusieurs automnes, de la joie et de la pompe de ses fêtes, pour lesquelles je faisais de petits vers et des chansons. Certes, je ne me doutais pas alors que je verrais un jour le maître de cette belle habitation dans une charrette, les mains liées derrière le dos ; allant au supplice avec toute sa famille.

Le comte de Brienne était le protecteur né de tous les gentilshommes de Champagne, et le bienfaiteur de tout ce qui l’environnait dans sa terre. Quinze ans avant la révolution sur les plaintes du dégât que faisaient les lapins d’une garenne qu’il avait à un quart de lieue de Brienne, il l’avait fait enclore de murs à grands frais. Un malheureux ne s’adressait point à lui sans bénir son inépuisable bonté. Un hospice pour les malades, de l’instruction pour les enfans, du travail et des secours aux pauvres, l’établissement d’une école militaire à Brienne ; tous ces biens étaient l’ouvrage de l’archevêque et de son frère. Aussi lorsqu’il fut arrêté, une trentaine de villages environnans envoyèrent une députation à Paris pour le récla-