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Condorcet, dont le nom était répandu en Europe, élève et ami de d’Alembert, lié plus étroitement encore avec M. Turgot, estimé de Voltaire, avec lequel il avait une correspondance assez suivie ; secrétaire de l’Académie des sciences, l’un des quarante de l’Académie française ; connu par des ouvrages de mathématiques, et par quelques traités d’économie publique, où il a presque toujours établi de bons principes, s’est trouvé très-naturellement appelé à nos assemblées législatives ; et, s’il ne fut pas de la première, il siégea dans la seconde et la troisième.

On devait attendre de lui des opinions fermes, une grande indépendance, le courage qu’il avait mis à combattre les abus de l’ancien gouvernement, et des sentimens de justice et d’humanité, que la bonne philosophie inspire, et qu’il aurait dû puiser dans la société des hommes que je viens de nommer à côté de lui. Il a trompé cet espoir, non-seulement depuis qu’il a été membre de la convention, mais bien antérieurement. On a de lui, dès les commencemens de la révolution, divers écrits où il se jette déjà dans des sentimens outrés et contraires aux principes qu’on lui connaissait, et qu’il avait énoncés dans plusieurs ouvrages. On voit, par exemple, qu’après avoir professé hautement le respect pour les droits de la propriété dans tous ses écrits, et contre M. Necker, et sur la forme des états généraux, il n’en tient plus aucun compte, lorsqu’il s’agit d’attaquer la propriété, même