Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un Languedocien, leur agent à Paris, me venait voir quelquefois depuis la connaissance que j’avais faite avec lui chez M. de Gournay. Je ne me rappelle plus son nom ; je me souviens seulement que celui du ministre Rabaut entrait pour beaucoup dans nos entretiens. Ce ministre était poursuivi comme excitant des troubles dans la province. C’est le père de celui qui, devenu membre de la première assemblée, dite Constituante, a pris quelque revanche des protestans sur les catholiques, et a contribué peut-être à inspirer à la nation plus d’intolérance envers l’ancien culte, que Louis xiv n’en avait jamais eu pour les religionnaires de son temps.

Cet avocat des protestans m’ayant inspiré beaucoup d’intérêt pour ses frères persécutés, je fis une plaisanterie dans le genre de celle de Swift : j’exagérais les principes de l’intolérance, ou plutôt j’en poussais les conséquences jusqu’où elles doivent aller. Cette plaisanterie eut quelque succès dans le temps : c’est le Petit écrit dont j’ai parlé. D’Alembert et Diderot furent ravis de voir un prêtre se moquer des intolérans, persuadés qu’ils étaient, qu’on ne pouvait être tolérant sans abandonner les principes religieux ; en quoi je leur soutenais toujours qu’ils se trompaient, et que la tolérance était dans l’Évangile. M. de Gournay, M. Turgot, M. de Malesherbes furent aussi très-contens de moi.

Diderot et d’Alembert m’engagèrent alors à travailler pour l’Encyclopédie. Je leur fournis quel-