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mencé à prendre un libre essor dans le grand ouvrage de Montesquieu et dans l’Encyclopédie, ceux d’entre nous qui avaient le plus de sève ne balancèrent pas entre les deux opinions, et, bravant les préjugés de l’école et la fausse politique, se déclarèrent pour la tolérance civile en s’efforçant de la distinguer de la tolérance ecclésiastique.

Par la première, nous entendions la conduite d’un gouvernement qui, faisant abstraction de la vérité ou de la fausseté des diverses opinions religieuses, permet à chacune d’enseigner paisiblement ses dogmes, et de pratiquer son culte, en tout ce qui n’est pas contraire aux principes de la morale publique et au repos des sociétés.

Par la tolérance ecclésiastique, nous entendions l’indifférence professée entre toutes les religions, l’opinion que toutes sont également bonnes ou également fausses. Mais nous prétendions que cette indifférence et cette opinion anti-religieuse n’étaient point du tout liées avec les maximes de la tolérance civile ; qu’un souverain et tous les magistrats pouvaient être parfaitement convaincus, que la religion chrétienne et catholique est la seule vraie, que, hors de l’Église, il n’y a point de salut, et cependant tolérer civilement toutes les sectes paisibles, leur laisser exercer leur culte publiquement, les admettre même aux magistratures et aux emplois, en un mot, ne mettre aucune différence entre un janséniste, un luthérien, un calviniste, un juif même et un catholique, pour tous les avantages