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la mineure, la sorbonique et la majeure. Chacune de ces thèses exigeait des études, dont quelques-unes peuvent bien être regardées comme fort inutiles et peu dignes d’occuper des hommes. Mais d’abord, toutes exerçaient l’esprit. Pour soutenir avec distinction ces exercices théologiques, il fallait quelque talent de parler, quelque adresse à démêler l’objection et à y répondre. L’usage de l’argumentation est une pratique excellente pour former l’esprit et lui donner de la justesse, lorsqu’il en est susceptible. M. Turgot me disait souvent, en riant et parodiant le mot de Mme de la Ferté à Mme d’Olonne : Mon cher abbé, il n’y a que nous qui avons fait notre licence, qui sachions raisonner exactement. Et lui et moi, nous en pensions bien quelque chose.

Il ne faut pas croire que les absurdités théologiques nous échappassent. La raison, obscurcie par l’éducation des collèges et des séminaires, reprend bien vite ses droits sur des esprits justes. Je me souviens qu’en nous avouant, l’abbé Turgot et moi, notre embarras, nos doutes, ou plutôt notre mépris pour les sottises dont notre jeunesse avait été bercée, le nom de sophismes, donné par les théologiens aux raisonnemens par lesquels le socinien Crellius prouve que un et un et un font trois, nous faisait pâmer de rire.

Je pourrais citer beaucoup d’exemples de questions importantes de métaphysique, de morale publique et privée, de politique, de droit, qui