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L’abbé de Broglio, plus froid, plus réservé, mais non moins vain, ne s’est jamais approché assez de moi, ni moi de lui, pour former une liaison.

Son ami intime, l’abbé de Marbœuf, me traitait, d’après son caractère, avec une sorte de bienveillance qui lui coûtait peu, et qu’il a continué de me témoigner, mais dont il ne m’avait encore donné aucune marque en 1783, après plus de trente-trois ans de connaissance et de liaison, quoiqu’il eût la feuille depuis plusieurs années. À cette époque, il ne résista pas à la demande faite au roi par milord Shelburne, qui, en signant la paix, demanda pour moi à Louis XVI une grâce ecclésiastique, motivée sur des services que j’avais, disait-il, rendus. J’obtins, sur les économats, une pension de quatre mille francs, dont l’assemblée nationale m’a dépouillé ainsi que de tout le reste, et pour laquelle je n’en dois pas moins être obligé envers le ministre qui a consenti à me la donner.

Quant à l’abbé de Cicé, depuis archevêque de Bordeaux, c’était celui des camarades de mon élève pour qui j’avais le plus d’inclination, et avec qui je me suis le plus lié, mais sans fruit pour ma fortune : homme d’esprit, actif, de bonnes intentions, et, dans des temps moins difficiles, très-capable de remplir une grande place.

Je passai ces deux années de la philosophie de mon élève à l’instruire de mon mieux, à apprendre moi-même l’italien, l’anglais, à lire de bons livres et à m’accoutumer à écrire.