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qu’il ne pensât profondément en se laissant aller à ces niaiseries ; mais, à penser seulement, son travail n’avançait pas.

Ce que je dis, qu’il n’était jamais content, et que cette difficulté pour soi-même lui faisait perdre un temps précieux, a été bien marqué dans tout le cours de son ministère et a vraisemblablement contribué à sa retraite. Il avait demandé des préambules, pour les édits qu’il préparait sur les blés, sur les vins, sur les jurandes, sur les corvées, ses quatre principales opérations, à M. de Fourqueux, à M. Trudaine, à M. Abeille, à Dupont et à moi. Je me souviens qu’il m’avait remis trois de ces préambules sur les blés, en m’en demandant mon avis. Je les lui rendis au bout de quelques jours, sans en faire moi-même un nouveau, parce que je les trouvais tous bons. Il insista pour que je lui disse quel était celui que je trouvais le meilleur. Je lui répondis : Celui que vous donnerez le premier. Il y avait deux mois qu’on attendait ce malheureux édit ; il le fit attendre encore deux mois, et je ne me trompe pas en disant qu’il a consumé à rédiger ce préambule plus de deux mois entiers du peu de temps que le tourbillon des affaires lui laissait pour la méditation.

Cette rage de perfection l’a suivi jusque dans sa retraite, et j’en tire un nouvel exemple des travaux sur la physique expérimentale, qui l’ont occupé après son ministère. Il avait entrepris, avec l’abbé Rochon, de perfectionner les thermomètres. La