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cachait quelquefois sous un canapé ou derrière un paravent, où il restait pendant toute la durée d’une visite, et d’où l’on était obligé de le tirer pour le produire. Il s’était élevé lui-même ; car son instituteur que j’ai connu, homme doux et raisonnable, était très-médiocre. Il fut mis au collège du Plessis pour y faire sa rhétorique et sa philosophie ; il eut le bonheur d’y trouver deux hommes qui sentirent ce qu’il valait et surent l’estimer. Guérin, professeur d’humanités, et Sigorgne, professeur de philosophie, quoique ses maîtres, le respectèrent dès qu’ils le connurent. Sigorgne enseignait alors le premier dans l’université la bonne astronomie physique, qui succédait aux rêveries du cartésianisme et des petits tourbillons.

M. Turgot saisit avidement cette doctrine, et fit quelques progrès dans les mathématiques, pour lesquelles il n’eut pourtant jamais une aptitude véritable, et qu’il se plaignait souvent de n’avoir pas assez approfondies.

Il se lia aussi, dans le même temps, avec l’abbé Bon, maître de quartier à Sainte-Barbe, homme de beaucoup d’esprit et de talent. Cette liaison le mêla dans une affaire, qui devint funeste pour Sigorgne et l’abbé Bon. Celui-ci avait fait des vers où le Roi et Mme Pompadour étaient très-maltraités, à l’occasion du renvoi du prétendant, qu’on avait arrêté au sortir de l’Opéra en 1748, et forcé de sortir du royaume, parce que les Anglais