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Je fis pourtant mes études au collège des Jésuites. Là, négligé de mes premiers régens, à cause de la médiocrité de mon état, et n’ayant point d’autre guide, je me souviens qu’en sixième et en cinquième, je fus constamment un des derniers de la classe, et fouetté régulièrement tous les samedis, pour l’exemple et l’instruction des autres ; il est sûr que, pour moi, cela ne me servait de rien.

Je ne pense encore qu’avec horreur à la malheureuse condition où j’ai vécu pendant ces premières années d’une jeunesse douce et docile, qui ne demandait qu’à être encouragée, et à tout le temps que j’ai perdu par l’indifférence et l’injustice de mes maîtres.

En quatrième, je trouvai heureusement dans le jeune jésuite appelé Fabri, mon régent ; un homme doux et humain, qui démêla en moi quelque talent, et qui me donna la main pour me tirer de l’oppression où j’avais langui jusqu’alors. Je sentis que je pouvais valoir quelque chose. Je m’appliquai davantage, et, dans une classe où nous n’étions guère moins de quatre-vingts ou cent, je me mis tout de suite à être un des meilleurs écoliers, et à obtenir constamment les premières places ; à la fin de l’année, je remportai deux premiers prix.

Je continuai, sous le même régent, de me former et de faire des progrès, de sorte qu’en seconde j’eus, à la fin de l’année, deux prix et un accessit. Je me souviens, entre autres petits succès, que je faisais très-bien les versions, et surtout que je mettais avec une grande facilité des odes d’Horace