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péri, la prit en aversion ; et Dieu, pour le désaltérer, créa la vigne, et lui révéla l’art d’en faire le vin. Par l’aide de cette liqueur, il découvrit mainte et mainte vérité ; et, depuis son temps, le mot deviner a été en usage, signifiant originairement découvrir au moyen du vin. Ainsi, le patriarche Joseph prétendait deviner au moyen d’un coupe ou d’un verre de vin, liqueur qui a reçu ce nom pour marquer qu’elle n’était pas une invention humaine, mais divine ; autre preuve de l’antiquité de la langue française contre M. Gébelin. Aussi, depuis ce temps, toutes les choses excellentes, même les déités, ont été appelées divines ou divinités.

» On parle de la conversion de l’eau en vin, à la noce de Cana, comme d’un miracle. Mais cette conversion est faite tous les jours par la bonté de Dieu devant nos yeux. Voilà l’eau qui tombe des cieux sur nos vignobles ; là, elle entre dans les racines des vignes pour être changée en vin ; preuve constante que Dieu nous aime, et qu’il aime à nous voir heureux. Le miracle particulier a été fait seulement pour hâter l’opération, dans une circonstance de besoin soudain qui le demandait.

Il est vrai que Dieu a aussi enseigné aux hommes à réduire le vin en eau. Mais quelle espèce d’eau ? — L’eau-de-vie ; et cela, afin que par-là ils puissent eux-mêmes faire au besoin le miracle de Cana, et convertir l’eau commune en cette