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ÉLOGE

DE M. MORELLET[1]


André Morellet a été, comme Fontenelle, le lien de deux siècles et de deux littératures. Monument de durée et de destruction, il était resté seul des écrivains qui élevèrent l’Encyclopédie, seul des penseurs qui fondèrent la science de l’économie politique, et presque seul des membres de la première Académie française qui fut emportée par l’ouragan de la révolution. Tandis que le vulgaire s’intéresse aux longévités extraordinaires, comme à des victoires remportées sur l’ennemi commun, les hommes instruits vénéraient dans ce vieillard le patriarche des lettres, l’auteur d’ouvrage utiles, l’ami et le contemporain des plus beaux génies ; et voyant, pour ainsi dire, en lui le représentant du siècle qui nous a fait naître, ils ont pleuré sa perte, et honoré sa dépouille comme on suit le convoi d’un père. Cette douleur filiale appartient surtout à une compagnie

  1. L’éditeur de ces Mémoires a été autorisé par M. Lémontey, successeur de M. Morellet à l’Académie française, à tirer cet éloge de son discours de réception prononcé dans la séance du 17 juin 1819.