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homme habile en beaucoup de genres et surtout en mathématiques, m’a assuré que la partie mathématique de l’ouvrage est fort mauvaise. Dans la conversation que j’eus avec Tartini, je lui parlai de l’expérience de de Lusse, dans laquelle on entend résonner, et sur le clavecin et dans les instrumens à vent, divers sons qui ne peuvent être regardés en aucune manière comme harmoniques du son fondamental. Il me dit qu’il avait fait de son côté des expériences analogues à celle-là, et que, si l’on touche ensemble les sons suivans ut1 ut2 sol ut4 mi sol, on entend un mezzo harmonico plus bas que le son ut. Dans cette expérience, il faut accorder le clavecin sans tempérament par quintes exactement justes.

Au reste, je fus très-content de sa conversation ; il avait de la vivacité et tout l’air d’un homme de beaucoup d’esprit. Il me joua un capriccio, que je trouvai médiocre : il n’avait plus de doigts et fort peu d’archet.

De Venise et de Padoue, après avoir parcouru les villes de cette partie de la Lombardie, nous arrivâmes à Milan, où nous passâmes janvier et presque tout février, faisant fort bonne chère avec les lupi milanesi, entendant un bon opéra, allant au Ridotto et au bal ; enfin menant une vie assez peu métaphysique, car l’école des philosophes milanais, Pietro et Alessandro Veri, de Frisi, de Beccaria, n’était pas encore élevée, ou du moins n’était pas assez connue pour attirer mon atten-