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tienne. Je ne fis, dans cette ville, de connaissance utile à mes vues que celle d’Angelo Quirini, qui a depuis joué un grand rôle dans sa république, mais que je ne pus connaître qu’en passant.

Je vis à Padoue, en décembre 1758, le célèbre Tartini. Je l’écoutai parler musique. Le bonhomme était fort occupé de faire adopter à l’Académie des sciences de Paris son système sur le principe de l’harmonie. J’avais cru, sur ce que j’en avais entendu dire (car je n’avais pas lu son ouvrage), qu’il n’avait d’autre prétention que de faire recevoir comme la véritable base fondamentale le troisième son qui résonne lorsqu’on en fait entendre deux autres, expérience qui lui appartient. Mais il a bien d’autres idées : il veut assigner le premier principe physique de l’harmonie ; il rejette la coïncidence des vibrations, etc., et il prétend le trouver dans le rapport de certaines ordonnées à certaines abscisses ; il prétend que ce rapport est toujours le même que celui des termes de la proposition harmonique, et il prouve, en passant, que la quadrature du cercle est impossible à trouver ; il ajoute, toujours en passant, que son principe est universel dans l’ordre physique, et qu’il est une clef du système de l’univers. Comme il craignait que l’Académie ne se déterminât pas à lire son ouvrage, qui est fort mal écrit et qui est une énigme perpétuelle, il en avait fait un petit extrait en quatre pages in-folio de très-fine écriture, et il me promit de m’en envoyer une copie. Morelli de Vérone,