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sur nous, il y a des degrés, des progrès, un exorde, un milieu, une fin ; qu’on y marche toujours du doux au fort, du simple au magnifique : l’exorde d’une épopée doit être modeste ; le premier acte d’une tragédie ne peut pas être aussi tragique que le cinquième ; le vestibule d’un palais ne peut pas être aussi orné que le salon.

Cela est ainsi, du moins dans tous les ouvrages des arts qu’on ne peut d’abord embrasser, en entier, mais qui se développent successivement. Or, un édifice immense est, à cet égard, comme une tragédie qu’on ne peut voir jouer ențière en moins de quelques heures, et un poëme qu’on ne peut lire en un jour. Il est certain qu’on ne peut voir Saint-Pierre en un coup-d’œil, ni en quelques minutes ; il faut donc aussi que les impressions qu’il fait naître soient graduées et aillent en croissant ; il n’en ressemble que mieux à un beau poëme et à une belle tragédie.

Puisque j’en suis sur les impressions des arts, je dirai ce que j’ai vu à Rome et à Naples de celle que produit la musique sur les oreilles italiennes, et ce qui m’a fait toucher au doigt la différence énorme entre un tel peuple et nous, qui prétendons à faire et à sentir la musique, dépourvus que nous sommes (je parle généralement) du sens auquel s’adressent les sons, et avec des oreilles doublées de maroquin, comme nous le disait Caraccioli, l’ambassadeur de Naples.

C’était l’usage à la Saint-Louis, que l’ambassa-