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alors un paradoxe (et j’ai toujours cru voir le goût du paradoxe dans M. de Malesherbes) ; mais depuis j’ai bien reconnu qu’il avait raison ; et M. Séguier, surtout, m’en a bien convaincu par son réquisitoire contre les accusés qu’a défendus M. Dupaty.

Je puis croire que dans ce petit travail je n’ai pas manqué mon but ; car, cette lecture donne pour l’intolérance plus d’horreur qu’un traité en forme n’en peut exciter. Une femme de ma connaissance m’a dit qu’en lisant le Manuel, arrivée vers la moitié, elle ne put soutenir cette impression plus long-temps, et qu’elle trouva quelque soulagement à jeter le livre au feu et à le cogner sur la braise avec ses pincettes, comme si elle eût grillé un inquisiteur. Je l’envoyai à Voltaire, qui écrivit à M. d’Alembert : « Si j’ai lu la belle jurisprudence de l’inquisition ! Eh oui, mort-dieu, je l’ai lue, et elle a fait sur moi la même impression que fit le corps sanglant de César sur les Romains. Les hommes ne méritent pas de vivre, puisqu’il y a encore du bois et du feu, et qu’on ne s’en sert pas pour brûler ces monstres dans leurs infâmes repaires. Mon cher frère, embrassez pour moi le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage. Puisse-t-il être traduit en portugais et en castillan ! Plus nous sommes attachés à la religion de notre Sauveur J.-C., plus nous devons abhorrer l’abominable usage qu’on fait tous les jours de sa divine loi. Il est bien à souhaiter que vos frères et vous don-