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à m’occuper davantage chez moi. Je lisais, j’étudiais l’italien ; je recueillais surtout, comme j’ai toujours fait, les idées sur la voie desquelles mon esprit avait été mis la veille. Je me donnais même une occupation qui m’attacha, en contrastant d’une manière assez piquante avec ma robe, et avec la ville et le lieu que j’habitais. L’abbé de Canillac, auditeur de Rote, à qui nous étions recommandés, m’avait logé dans sa bibliothèque, toute formée de théologiens et de canonistes. En parcourant ce fatras, je tombai sur le Directorium inquisitorum de Nicolas Eymeric, grand inquisiteur au quatorzième siècle. Cet ouvrage, selon son titre, servait de guide aux inquisiteurs dans toute la chrétienté avant l’invention de l’imprimerie. Il fut imprimé dès le commencement du seizième siècle ; l’édition que je trouvais était de 1578, à Rome, in œdibus populi romani, c’est-à-dire, au Capitole : contraste curieux, sans doute, pour celui qui observe cette législation sacerdotale, absurde et barbare, partant du même lieu d’où émanaient les ordres des conquérans du monde, et le partage des royaumes, et les lois qui régissaient tant de nations. Cette lecture me frappa d’horreur ; mais c’était un in-folio énorme, qu’on ne pouvait faire connaître que par échantillon.

J’imaginai d’en extraire, sous le titre de Manuel des Inquisiteurs, tout ce qui me paraissait le plus révoltant ; et, avec un peu de peine, je vins à bout de donner un corps et une forme à toutes ces