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par la haute commission des places fortes pour la remise en valeur des quatre grandes forteresses de l'Est. Ce programme, approuvé le 1er juin 1990 par le ministre de la Guerre, prévoyait pour l'exécution des travaux une dépense atteignant en chiffres ronds 90 millions. Jusqu'à mon arrivée au ministère, les crédits ouverts annuellement étaient restés d'une telle insuffisance qu'un délai de vingt années eût été nécessaire pour l'exécution complète du programme. C'était un délai inadmissible, puisqu'il ne devait pas, selon tout vraisemblance, permettre l'achèvement de ce programme avant qu'il ne fût démodé. En 1903 et 1904, par exemple, une somme de 3 800 000 francs avait été seulement attribuée à la frontière de l'Est ; ces crédits avaient été presque en totalité consacrés à Verdun et à Toul, Épinal et Belfort n'étant dotées que de sommes insignifiantes (100 000 francs en moyenne par an pour chacune de ces deux places).

Si bien que lorsque j'eus en février 1904 à présenter mes propositions pour l'établissement du budget de 1905, je tins à faire ressortir, dans les développements mis à l'appui de mon projet de budget les graves inconvénients de cette situation Je disais :

Il serait essentiel que ces travaux fussent poursuivis avec une grande activité. Or, ils n'ont pu jusqu'ici être entrepris, faute de crédits suffisants, qu'à Verdun et à Toul, malgré l'intérêt primordial qu'il y aurait à les mettre également à exécution à Épinal et à Belfort, ces places étant non moins menacées que les premières. Dans ces conditions, on ne doit pas se dissimuler qu'il sera nécessaire, à bref délai, de consacrer à ces travaux de crédits budgétaires beaucoup plus élevés, si l'on ne veut pas s'exposer à laisser ces places dans un état d'infériorité manifeste pendant un délai presque indéterminé. On ne peut songer à consacrer au total plus de dix à douze années à l'exécution complète du programme, ce qui conduirait à y affecter à partir de 1906 un crédit de 10 millions environ. Ce crédit n'a d'ailleurs rien d'exagéré si l'on considère que l'Allemagne a consacré aux travaux de fortifications pendant les dernières années les sommes ci-après : 45 millions en 1899 et 1900 ; 22 800 000 francs en 1901 et 20 900 000 francs en 1902.