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m. millerand au ministère de la guerre

en position, et dès le seizième jour la frontière serait franchie. D'un commun accord, il fut admis qu'une offensive décidée pourrait seule donner le succès : "C'est au coeur même qu'il faut frapper l'Allemagne," avait dit le tsar, "l'objectif commun doit être Berlin." Un engagement fut signé dans ce sens par le chef d'état-major russe le 18-31 août.

L'importance de cet accord ne peut échapper ; cette volonté offensive affirmée en commun était susceptible de faire échouer le plan allemand tel que nous le soupçonnions, en amenant nos adversaires à modifier la répartition initiale de leurs forces, peut-être même à abandonner l'idée fondamentale d'une offensive contre nous dès le début, et à renverser une fois de plus leur plan. En tout cas, elle supprimait la cause profonde qui, si longtemps, nous avait condamnés à une conduite des opérations pleine de circonspection.

Au début de janvier 1912, s'ouvrit une nouvelle crise ministérielle provoquée par l'incident de Selves devant la Commission sénatoriale de l'accord franco-allemand. Un cabinet Poincaré remplaça le cabinet Caillaux ; au ministère de la Guerre, M. Millerand remplaça M. Messimy.

Je ne connaissais pas mon nouveau ministre. J'aurai souvent l'occasion dans le cours de ces souvenirs de dire les immenses services qu'il a rendu au pays. Pour l'instant qu'il me suffise de rendre ce témoignage que son premier passage au ministère fut bienfaisant pour l'armée, qui lui avait tout de suite donné sa confiance.

Le jour même, où M. Millerand s'installa à son bureau de la rue Saint-Dominique, il eut avec moi un entretien d'une demi-heure environ. Il me demanda mon avis sur le décret du 28 juillet 1911, et me fit connaître qu'à son point de vue, le maintien à mes côtés d'un chef d'état-major de l'armée chargé de traiter directement avec le ministre les questions de personnel et de service courant était une erreur. Je lui répondis qu'en effet, à l'usage, s'était révélé à cette combinaison quelque inconvénient. Sans doute, entre le général Dubail et moi, aucune difficulté ne s'était produite, mais il n'en avait pas été de