Page:Mémoires du Muséum d'histoire naturelle - Volume 13.djvu/341

Cette page n’a pas encore été corrigée

A l’époque dont nous parlons, ce débat fut d’autant plus vif qu’un incident singulier, j’oserois presque dire ridicule, avoit jeté une aigreur extraordinaire dans les esprits. Les physiciens de la Société royale , consultés sur la forme qu’il convenoit de donner à un paratonnerre que l’on vouloit placer sur je ne sais quel édifice public, avoient proposé à la presque unanimité de le terminer en pointe. Un seul d’entre eux nommé Wilson imagina de prétendre qu’il devoit être fait en bouton arrondi, et mit un’entêtement incompréhensible à soutenir ce paradoxe. La chose étoit si claire, qu’en tout autre pays ou en tout autre temps on se seroit moqué de cet homme, et que l’on auroit fait le paratonnerre comme jusque-là on avoit fait tous les autres; mais l’Angleterre se trouvoit alors dans le fort de sa querelle avec ses colonies d’Amérique, et c’ étoit Franklin qui avoit découvert le pouvoir qu’ont les pointes de soutirer la foudre. Une question de physique devint donc une question de politique. Elle fut portée non pas devant les savans, mais devant les partis. 11 n’y avoit, disoit-on, que les amis des insurgens qui pussent vouloir des pointes, et quiconque ne soutenoit pas les boutons étoit«vi- demment sans affection pour la métropole. Comme à l’ordinaire la foule et même les grands se partagèrent, avant d’avoir rien examiné , et Wi’son trouva des pi’Otecteurs comme on en trouveroit contre le théorème de Pythagore, si jamais la géométrie devenoit aussi une affaire de parti. On assure même qu’un personnage auguste , en toute autre occasion ami généreux et éclairé des sciences, eut cette fois la foiblesse de se faire solliciteur, et le malheur de solliciter contre les pointes. Il en parla au président d’alors, le baronnet John Priugle,