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Éloge historique

Jardin du Roi pour les plantes médicinales. Le cabinet n’étoit au fond qu’un droguier. DuFay, qui s’étoit fait des idées plus élevées de la destination d’un pareil établissement, avoit eu à peine le temps, pendant sa courte administration, d’en faire agrandir les serres. Buffon lui-même, nommé sur la seule recommandation de DuFay mourant, n’étoit encore connu que par quelques Mémoires de géométrie et quelques expériences de physique. Les trois premiers volumes de son Histoire naturelle, qui lui valurent une réputation si rapide et des suffrages si universels, ne parurent qu’en 1749, et ne fut que par degrés qu’il acquit la considération et le crédit nécessaires pour engager le ministère à condescendre à ses vues : car, il ne faut pas s’y tromper, un administrateur est rarement en état d’apprécier par lui-même des vues scientifiques, surtout lorsqu’elle devancent le siècle et se portent au-delà des idées vulgaires : il ne juge les plans les mieux conçus que d’après l’opinion qu’il s’est faite de celui qui les présente, et trop souvent même la déférence qu’il croit devoir à la position de l’auteur est encore pour lui un motif de détermination plus puissant que tous les autres. Buffon avoit donc été pendant long-temps obligé de sacrifier aux puissances passagères, arbitres nécessaires du monde extérieur. L’amitié de madame de Pompadour lui avoit concilié la faveur du prince et les égards des ministres : il en avoit profité pour enrichir le cabinet et pour faire quelques premières améliorations au jardin ; et cependant, après une administration de plus de trente ans, il avoit encore si peu fait comprendre à l’autorité ce qu’étoit sa place et ce que pouvoit devenir son établissement, qu’étant tombé dangereusement