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Éloge historique

M. André Thouin, le 10 février 1747. Le modeste logement de sa famille étoit une annexe des serres, et il vit le jour pour ainsi dire au milieu des arbustes étrangers. On le berça à l’ombre des palmiers et des bananiers ; il y fit ses premiers pas, et il connut les plantes de la Chine et de l’Amérique bien avant celles de l’Europe. Dès ses premières années ses petites mains s’exerçoient à les soigner, en même temps que sa mémoire se meubloit de leurs noms scientifiques. Tout jeune encore, en portant ces plantes aux leçons publiques, et en prêtant son attention à ce que le professeur en disoit, il s’habitua à saisir leurs rapports, leurs caractères distinctifs et les règles de leur distribution. Il devint donc un savant botaniste par une voie toute particulière. Ce fut de la pratique qu’il remonta à la théorie ; son instruction commença par où elle finit d’ordinaire ; mais cette éducation, faite en quelque sorte en rétrogradant, n’en fut que plus prompte sans en être moins solide ; car, pour les avoir appris après coup, il n’en a pas moins très-bien possédé les élémens des sciences et même tout ce qui appartient aux lettres et aux humanités.

Ce fut pour lui un grand bonheur de s’être formé si vite ; car son père mourut en 1764, et il se vit à dix-sept ans chargé seul de sa mère et de cinq frères et sœurs, dont plusieurs étoient encore en bas âge. Nous avons vu M. Richard livré à lui-même à quatorze ans, se tirer d’affaire seul et sans secours. La position de M. Thouin étoit bien autrement difficile, mais il trouva des cœurs plus humains et des amis plus généreux. Buffon l’avoit vu naître et grandir, il avoit été témoin de ses progrès. Il pensa que, dirigé par lui, un jeune homme qui montroit de telles dispositions se formeroit