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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

il n’existait de passage praticable que celui qui servait d’abreuvoir au village : il est vrai qu’il était fort large. Mais plus de cent cavaliers étaient agglomérés sur ce point, ayant tous la bride au bras et la carabine au crochet, enfin dans une quiétude si parfaite que plusieurs chantaient. Qu’on juge de leur surprise ! Je les fais assaillir tout d’abord par un feu de mousquetons qui en tue quelques-uns, en blesse beaucoup et met aussi une grande quantité de leurs chevaux à bas. Le tumulte est complet ! Néanmoins, le capitaine, ralliant autour de lui les hommes qui se trouvent le plus près du rivage, veut forcer le passage pour sortir de l’eau et faire sur nous un feu qui, bien que mal nourri, blessa cependant deux hommes. Les ennemis fondent ensuite sur nous ; mais Pertelay ayant tué d’un coup de sabre leur capitaine, les Barco sont refoulés dans l’étang. Plusieurs veulent s’éloigner de la mousqueterie et gagnent l’autre rive ; plusieurs perdent pied, un bon nombre d’hommes et de chevaux se noient, et ceux des cavaliers autrichiens qui parviennent de l’autre côté de l’étang, ne pouvant faire franchir la berge à leurs chevaux, les abandonnent, et, s’accrochant aux arbres du rivage, se sauvent en désordre dans la campagne. Les douze hommes de la grand’garde accourent au bruit ; nous les sabrons, et ils fuient aussi. Cependant une trentaine d’ennemis restaient encore dans l’étang ; mais craignant de pousser leurs chevaux au large, voyant que la pièce d’eau n’avait pas d’autre issue abordable que celle que nous occupions, ils nous crièrent qu’ils se rendaient, ce que j’acceptai, et à mesure qu’ils parvenaient au rivage, je leur faisais jeter leurs armes à terre. La plupart de ces hommes et de ces chevaux étaient blessés ; mais comme je voulais cependant avoir un trophée de notre victoire, je fis choisir dix-sept cavaliers et autant de chevaux en bon état, que