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CHAPITRE VI

Mon père est envoyé en Italie. — Comment se fixa ma destinée. — Je deviens housard.

Après avoir remis son commandement au général Lefebvre, mon père retourna s’établir à l’hôtel du faubourg Saint-Honoré et ne s’occupa plus que des préparatifs de son départ pour l’Italie.

Des causes très minimes influent souvent sur la destinée des hommes ! Mon père et ma mère étaient très liés avec M. Barairon, directeur de l’enregistrement. Or, un jour qu’ils allèrent déjeuner chez lui, ils m’emmenèrent avec eux. On parla du départ de mon père, de la bonne conduite de mes deux cadets ; enfin M. Barairon ayant demandé : « Et Marcellin, qu’en ferez-vous ? ― Un marin, répondit mon père ; le capitaine Sibille s’en charge et va l’emmener avec lui à Toulon… » Alors la bonne Mme Barairon, à laquelle j’en ai toujours su un gré infini, fit observer à mon père que la marine française était dans un désarroi complet, que le mauvais état des finances ne permettait pas qu’elle fût promptement rétablie, que du reste son état d’infériorité vis-à-vis de la marine anglaise la retiendrait longtemps dans les ports, qu’elle ne concevait donc pas que lui, général de division de l’armée de terre, mît son fils dans la marine, au lieu de le placer dans un régiment où le nom et les services de son père devaient le faire bien venir. Elle termina en disant : « Conduisez-le en Italie plutôt que