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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

contrée. On engagea dom Ferlus à se porter acquéreur du collège et des immenses propriétés qui en dépendaient. Personne ne mit aux enchères, le principal devint donc propriétaire à bon compte de l’immense couvent et des terres qui y étaient annexées. Les administrateurs du département lui donnèrent beaucoup de temps pour payer. On lui prêta de toutes parts des assignats, qu’il remboursa avec quelques coupes de bois. Les vastes fermes du domaine fournirent à la nourriture du collège, et, faute d’argent, dom Ferlus payait les professeurs externes en denrées, ce qui leur convenait très fort, à une époque où la famine régnait en France.

Dom Ferlus fit l’usage le plus honorable de la fortune que les circonstances venaient de lui donner. Il y avait parmi les élèves une centaine de créoles de Saint-Domingue, la Guadeloupe, la Martinique et autres colonies, que la guerre maritime, et surtout la révolte des nègres, privaient de la faculté de correspondre avec leurs parents. Dom Ferlus les garda tous. À mesure que ces enfants arrivaient à l’âge d’homme, il les employait comme sous-maîtres et les faisait placer dans différentes administrations. Plus tard, l’horizon politique s’étant éclairci, le Directoire, puis l’Empereur, aidèrent dom Ferlus dans la bonne œuvre qu’il avait entreprise. C’est ainsi que la loyauté et l’humanité de ce supérieur estimable, augmentant la bonne réputation de son établissement, le firent prospérer de plus en plus.

À la mort de dom Ferlus, le collège passa aux mains de Raymond Ferlus, homme peu capable, frère du précédent, ancien Oratorien marié, mauvais poète et connu seulement par la guerre de plume qu’il a longtemps soutenue contre M. Baour-Lormian. Le collège allait en déclinant, lorsque la Restauration de 1814 ramena les Jésuites. Ceux-ci voulurent alors se venger des Bénédic-