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sur d’autres routes. Or, comme je sortais de Domballe, petit bourg en deçà de Verdun, un maudit postillon de tournée qui, arrivé la nuit précédente, n’avait pas remarqué une forte descente qu’on rencontre en quittant le relais, n’ayant pu maîtriser ses chevaux dès qu’ils furent dans la descente, versa ma calèche, dont les ressorts et la caisse furent brisés !… Pour comble de malheur, c’était un dimanche, et toute la population s’était rendue à la fête d’un village voisin. Il me fut donc impossible de trouver un ouvrier. Ceux que je me procurai le lendemain étaient fort maladroits, de sorte que je dus passer deux mortelles journées dans ce misérable bourg. J’allais enfin me remettre en route, lorsqu’un avant-courrier ayant annoncé l’arrivée de l’Empereur, je me permis de faire arrêter sa voiture pour l’informer de l’accident qui m’était survenu. Il en rit, reprit la lettre qu’il m’avait remise pour l’Impératrice et repartit. Je le suivis jusqu’à Saint-Cloud, d’où, après avoir remis les portefeuilles entre les mains du secrétaire du cabinet, je me rendis chez ma mère à Paris.

Je repris mon service d’aide de camp du maréchal Augereau, service des plus doux, car il consistait à aller passer chaque mois une ou deux semaines au château de la Houssaye, où l’on menait tous les jours joyeuse vie. Ainsi s’écoula la fin de l’été et l’automne. Pendant ce temps-là, la politique de l’Empereur préparait de nouveaux événements et de nouveaux orages, dont les terribles commotions faillirent m’engloutir, moi, fort petit personnage, qui dans mon insouciante jeunesse ne pensais alors qu’à jouir de la vie après avoir vu la mort de si près !…

On l’a dit avec raison, jamais l’Empereur ne fut si grand, si puissant, qu’en 1807, lorsque, après avoir vaincu les Autrichiens, les Prussiens et les Russes, il venait de