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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

J’aurais été désireux, sans doute, de complaire à l’Impératrice, mais je connaissais l’inflexible sévérité de Napoléon envers les personnes qui faisaient la contrebande, et, après avoir couru tant de dangers et avoir répandu une aussi grande quantité de mon sang dans les combats, je ne voulais pas perdre le bénéfice du mérite que cela m’avait donné aux yeux de l’Empereur en transgressant ses lois pour obtenir un sourire de remerciement de l’Impératrice. Le colonel de L…, afin de vaincre ma résistance, me fit observer que le paquet était sous plusieurs enveloppes, dont l’extérieure, adressée au ministre de la guerre, portait le cachet du 7e léger, ainsi que la désignation : « Pièces de comptabilité. » Il en concluait que les douaniers n’oseraient ouvrir ce paquet, dont j’arracherais la première enveloppe en arrivant à Paris, et porterais les étoffes à l’Impératrice sans avoir été compromis ; mais, malgré tous ces beaux raisonnements, je refusai positivement de m’en charger et ordonnai au postillon de marcher.

Arrivé au relais situé à moitié chemin de Francfort à Mayence, m’étant avisé de gronder mon domestique pour avoir reçu un paquet dans ma calèche, il me répondit que pendant le déjeuner, M. de L… ayant placé lui-même ces paquets dans la calèche, il avait pensé que c’était un surcroît de dépêches, et n’avait pas cru pouvoir les refuser de la main du commandant de place. — « Comment ! ces paquets ; il y en a donc plusieurs ? m’écriai-je, et il n’en a repris qu’un seul !… »

En effet, en remuant les portefeuilles de l’Empereur, j’aperçus un second ballot de contrebande que le colonel avait laissé dans ma malle à mon insu… Je fus atterré de cette supercherie et délibérai si je ne jetterais pas ces robes sur la grande route. Cependant, je ne l’osai, et continuai mon chemin, bien résolu, si la contrebande