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TILSITT.

La Reine se résignait bien à la perte de plusieurs provinces, mais elle ne pouvait consentir à celle de la place forte de Magdebourg, dont la conservation fait la sécurité de la Prusse. De son côté, Napoléon, dont le projet était de nommer son frère Jérôme roi de Westphalie, voulait ajouter Magdebourg à ce nouvel État. Il paraît que, pour conserver cette ville importante, la reine de Prusse employait pendant le dîner tous les efforts de son amabilité, lorsque Napoléon, pour changer la conversation, ayant fait l’éloge d’une superbe rose que la Reine avait au côté, celle-ci lui aurait dit : « Votre Majesté veut-elle cette rose en échange de la place de Magdebourg ?… » Peut-être eût-il été chevaleresque d’accepter, mais l’Empereur était un homme trop positif pour se laisser gagner par de jolis propos, et on assure qu’il s’était borné à louer la beauté de la rose, ainsi que de la main qui l’offrait, mais qu’il n’avait pas pris la fleur, ce qui amena des larmes dans les beaux yeux de la Reine ! Mais le vainqueur n’eut pas l’air de s’en apercevoir. Il garda Magdebourg, et conduisit poliment la Reine jusqu’au bateau qui devait la porter sur l’autre rive.

Pendant notre séjour à Tilsitt, Napoléon passa en revue sa garde et son armée en présence d’Alexandre, qui fut frappé de l’air martial ainsi que de la tenue de ces troupes. L’empereur de Russie fit paraître à son tour quelques beaux bataillons de ses gardes, mais il n’osa montrer ses troupes de ligne, tant le nombre en avait été réduit à Heilsberg et à Friedland. Quant au roi de Prusse, auquel il ne restait plus que de faibles débris de régiments, il ne les fit pas paraître.

Napoléon conclut avec la Russie et la Prusse un traité de paix, dont les principaux articles furent la création du royaume de Westphalie au profit de Jérôme Bona-