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SÉJOUR A TOULOUSE.

leur biographie lorsque j’écrirai le récit de ce qui m’est advenu quand je servais auprès d’eux.

À cette époque, Augereau, après s’être évadé des prisons de l’inquisition de Lisbonne, venait de faire la guerre dans la Vendée, où il s’était fait remarquer par son courage et la facilité avec laquelle il maniait les troupes. Il était très bon tacticien, science qu’il avait apprise en Prusse, où il avait longtemps servi dans les gardes à pied du grand Frédéric ; aussi l’appelait-on le grand Prussien. Il avait une tenue militaire irréprochable, toujours tiré à quatre épingles, frisé et poudré à blanc, longue queue, grandes bottes à l’écuyère des plus luisantes, et avec cela une tournure fort martiale. Cette tenue était d’autant plus remarquable qu’à cette époque ce n’était pas par là que brillait l’armée française, presque uniquement composée de volontaires peu habitués à porter l’habit d’uniforme et fort peu soigneux de leur toilette. Cependant, personne ne se permettait de railler Augereau sur cet article, car on savait qu’il était grand bretteur, très brave, et avait fait mettre les pouces au célèbre Saint-Georges, la plus forte lame de France.

J’ai dit qu’Augereau était bon tacticien ; aussi mon père l’avait-il chargé de diriger l’instruction des bataillons des nouvelles levées dont se composait la majeure partie de la division. Ces bataillons provenaient du Limousin, de l’Auvergne, des pays basques, du Quercy, du Gers et du Languedoc. Augereau les forma très bien, et en agissant ainsi il ne se doutait pas qu’il travaillait pour sa gloire future, car les troupes que mon père commandait alors formèrent plus tard la célèbre division Augereau, qui fit de si belles choses dans les Pyrénées-Orientales et en Italie. Augereau venant presque tous les jours chez mon père, et s’en voyant apprécié, lui voua une amitié qui ne s’est jamais démentie et dont