Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XXXVI

Bataille de Friedland. — Dangers auxquels je suis exposé. — Entrevue et traité de Tilsitt.

Il était plus de onze heures, lorsque l’Empereur arriva sur le champ de bataille, où plusieurs corps d’armée étaient déjà venus se joindre à Lannes et à Mortier. Les autres, ainsi que la garde, arrivaient successivement. Napoléon rectifia les lignes : Ney forma la droite placée dans le bois de Sortlack ; Lannes et Mortier, le centre entre Posthenen et Heinrichsdorf ; la gauche se prolongeait au delà de ce dernier village. La chaleur était accablante. L’Empereur accorda aux troupes une heure de repos, et décida qu’au signal donné par vingt-cinq pièces tirant à la fois, on ferait une attaque générale, ce qui fut exécuté.

Le corps du maréchal Ney avait la plus rude mission, car, caché dans le bois de Sortlack, il devait en sortir et pénétrer dans Friedland, où se trouvaient agglomérées les principales forces et les réserves ennemies, s’emparer des ponts et couper ainsi toute retraite aux Russes. On comprend difficilement comment Benningsen avait pu se résoudre à placer son armée en face du défilé de Friedland, où elle avait à dos l’Alle avec ses bords escarpés et se trouvait en présence des Français, maîtres de la plaine. Le général russe, pour expliquer sa conduite, a répondu, plus tard, qu’ayant une journée d’avance sur Napoléon, et ne pouvant admettre que les Français fissent en douze