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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

d’où je rapporterais d’autres portefeuilles, ce qui ne m’empêcherait pas d’assister à la reprise des hostilités, qui ne pouvait avoir lieu que dans les commencements de juin.

Bien que je n’eusse pas, à beaucoup près, dépensé les cinq mille francs que M. Denniée m’avait remis, le maréchal du palais m’en fit donner autant pour retourner à Paris, où je me rendis au plus vite. Je ne restai que vingt-quatre heures dans cette ville, et je repartis pour la Pologne. Le ministre de la guerre me remit encore cinq mille francs pour ce troisième voyage ; c’était beaucoup plus qu’il ne fallait, mais l’Empereur le voulait ainsi. Il est vrai que ces voyages étaient très fatigants et surtout fort ennuyeux, bien que le temps fût très beau, car je roulai près d’un mois jour et nuit, en tête-à-tête avec mon domestique. Je retrouvai l’Empereur au château de Finkenstein. Je craignais de continuer à postillonner au moment où on allait se battre, mais heureusement on avait trouvé des officiers pour porter les dépêches, et ce service était déjà organisé. L’Empereur m’autorisa à me rendre auprès du maréchal Lannes, qui se trouvait à Marienbourg lorsque je le rejoignis, le 25 mai. Il avait avec lui le colonel Sicard, aide de camp d’Augereau, qui avait eu la complaisance de ramener mes chevaux. Je revis avec grand plaisir ma chère jument Lisette, qui pouvait encore faire un bon service.

La place de Danzig, assiégée par les Français pendant l’hiver, était tombée en leur pouvoir. Le retour de la belle saison fit bientôt rouvrir la campagne. Les Russes attaquèrent nos cantonnements le 5 juin, et furent vivement repoussés sur tous les points. Il y eut le 10, à Heilsberg, un combat tellement sanglant, que plusieurs historiens l’ont qualifié de bataille. Les ennemis y furent encore battus. Je n’entrerai dans aucun détail sur cette