Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
SÉJOUR A TOULOUSE.

peine sommes-nous à cent pas du relais, que mon père, qui avait hâte de s’éloigner d’un spectacle dont il était navré, et qui n’avait pas voulu se mettre à table dans l’auberge, éprouva le besoin de manger et demanda les provisions. Spire indique les poches dans lesquelles, il les a placées. Mon père et M. Gault fouillent tout l’intérieur de la voiture et n’y trouvent rien. Mon père, s’emporte contre Spire qui, du haut de son siège, jure par tous les diables qu’il avait garni la voiture de vivres pour deux jours. J’étais un peu embarrassé ; cependant, je ne voulus pas laisser gronder plus longtemps le pauvre Spire et déclarai ce que j’avais fait. Je m’attendais à être un peu repris pour avoir agi sans autorisation, mais mon père m’embrassa de la manière la plus tendre, et bien des années après il parlait encore avec bonheur de ma conduite en cette occasion. Voilà pourquoi, mes enfants, j’ai cru devoir vous la rappeler. On est si heureux de penser qu’on a obtenu dans quelques circonstances l’approbation de ceux qu’on a aimés et perdus !

De Cressensac à Toulouse, la route était couverte de volontaires qui se rendaient gaiement à l’armée des Pyrénées en faisant retentir les airs de chansons patriotiques. Ce mouvement me charmait, et j’aurais été heureux si je n’eusse souffert physiquement, car n’ayant jamais fait de longues courses en voiture, j’avais le mal de mer pendant le voyage, ce qui détermina mon père à s’arrêter toutes les nuits pour me faire reposer. J’arrivai cependant à Toulouse, très fatigué ; mais la vue de mon frère, dont j’étais séparé depuis quatre ou cinq ans, me donna une joie fort grande qui me rétablit en peu de temps.

Mon père, en qualité de général de division commandant le camp situé au Miral, près de Toulouse, avait droit à être logé militairement, et la municipalité lui avait assigné le bel hôtel de Rességuier, dont le propriétaire