Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XXXIII

1807. — Je suis nommé capitaine. — Bataille d’Eylau. — Dissolution du corps d’Augereau. — Reprise des cantonnements.

Nous fêtâmes à Christka le 1er  janvier de l’année 1807, qui faillit être la dernière de mon existence. Elle commença cependant fort agréablement pour moi, car l’Empereur, qui n’avait accordé aucune faveur à l’état-major d’Augereau pendant la campagne d’Austerlitz, répara largement cet oubli en le comblant de récompenses. Le colonel Albert fut nommé général de brigade, le commandant Massy lieutenant-colonel du 44e  de ligne ; plusieurs aides de camp furent décorés ; enfin les lieutenants Bro, Mainvielle et moi, nous fûmes nommés capitaines. Cet avancement me fit d’autant plus de plaisir que je ne l’attendais pas, n’ayant rien fait de remarquable pour l’obtenir, et je n’étais âgé que de vingt-quatre ans. En remettant à Mainvielle, à Bro et à moi nos brevets de capitaine, le maréchal Augereau nous dit : « Nous verrons lequel de vous trois sera colonel le premier !… » Ce fut moi, car six ans après je commandais un régiment, tandis que mes deux camarades étaient encore simples capitaines : il est vrai que dans ce laps de temps j’avais reçu six blessures !…

Nos cantonnements établis, les ennemis prirent les leurs en face, mais assez loin des nôtres. L’Empereur s’attendait à ce qu’ils nous laisseraient passer l’hiver tranquillement ; mais il en fut autrement ; notre repos ne dura qu’un mois : c’était beaucoup, sans être assez.