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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

il pleuvait ou neigeait constamment ; les vivres devinrent fort rares ; plus de vin, presque jamais de bière, encore était-elle atrocement mauvaise ; de l’eau bourbeuse, pas de pain, et des logements qu’il fallait disputer aux vaches et aux cochons !… Aussi les soldats disaient-ils : « Quoi ! les Polonais osent appeler cela une patrie !… »

L’Empereur lui-même était désillusionné, car venu pour reconstituer la Pologne, il avait espéré que toute la population de ce vaste pays se lèverait comme un seul homme à l’approche des armées françaises ; mais personne ne bougea !… En vain, pour exciter l’enthousiasme des Polonais, l’Empereur avait-il fait écrire au célèbre général Kosciusko, le chef de la dernière insurrection, de venir se joindre à lui ; mais Kosciusko resta paisiblement en Suisse, où il s’était retiré, et répondit aux reproches qu’on lui faisait à ce sujet qu’il connaissait trop bien l’incurie et le caractère léger de ses compatriotes pour oser espérer qu’ils parvinssent à s’affranchir, même avec l’aide des Français. Ne pouvant attirer Kosciusko, l’Empereur, voulant au moins se servir de sa renommée, adressa au nom de ce vieux Polonais une proclamation aux Polonais. Pas un seul ne prit les armes, bien que nos troupes occupassent plusieurs provinces de l’ancienne Pologne et même sa capitale. Les Polonais ne voulaient courir aux armes qu’après que Napoléon aurait déclaré le rétablissement de la Pologne, et celui-ci ne comptait prendre cette détermination qu’après que les Polonais se seraient soulevés contre leur oppresseur, ce qu’ils ne firent pas.

Pendant le séjour que le 7e corps fit à Bromberg, Duroc, grand maréchal du palais impérial, étant arrivé au milieu de la nuit chez le maréchal Augereau, celui-ci m’envoya chercher et m’ordonna de me préparer à accompagner le maréchal Duroc, qui se rendait en parle-