CHAPITRE XXXI
En revoyant Berlin, que j’avais laissé naguère si brillant, je ne pus me défendre d’une impression pénible… Cette population si pleine de jactance était maintenant morne, abattue et plongée dans l’affliction, car les Prussiens ont beaucoup de patriotisme. Ils se sentaient humiliés par la défaite de leur armée et l’occupation de leur pays par les Français ; d’ailleurs, presque toutes les familles avaient à pleurer un parent, un ami, tué ou pris dans les combats. Je compatissais à cette juste douleur, mais j’avoue que j’éprouvai un sentiment tout opposé lorsque je vis entrer à Berlin, comme prisonnier de guerre, marchant tristement à pied et désarmé, le régiment des gendarmes nobles, ces mêmes jeunes officiers si arrogants, qui avaient poussé l’insolence jusqu’à venir aiguiser leurs sabres sur les degrés de l’ambassade de France !… Rien ne saurait dépeindre leur état d’abattement et d’humiliation, en se voyant vaincus par ces mêmes Français qu’ils s’étaient vantés de faire fuir par leur seule présence !… Les gendarmes avaient demandé qu’on leur fît faire le tour de Berlin sans y entrer, parce qu’il leur était pénible de défiler comme prisonniers de guerre dans cette ville où ils étaient si connus, et dont