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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

combattre ; tout leur faisait donc un devoir d’agir avec ensemble. Davout, en comprenant la nécessité, déclara qu’il se placerait volontiers sous les ordres de Bernadotte ; mais celui-ci, comptant pour rien les lauriers partagés, et ne sachant pas se sacrifier aux intérêts de son pays, voulut agir seul, et sous prétexte que l’Empereur lui avait ordonné de se trouver le 13 à Dornbourg, il voulut s’y rendre le 14, bien que Napoléon lui écrivît dans la nuit que si par hasard il était encore à Naumbourg, il devait y rester et soutenir Davout. Bernadotte, ne trouvant pas cette mission assez belle, laissa au maréchal Davout le soin de se défendre comme il le pourrait ; puis, longeant la Saale, il se rendit à Dornbourg, et bien qu’il n’y trouvât pas un seul ennemi, et que du haut des positions qu’il occupait il vît le terrible combat soutenu à deux lieues de là par l’intrépide Davout, Bernadotte ordonna à ses divisions d’établir leurs bivouacs et de faire tranquillement la soupe !… En vain les généraux qui l’entouraient lui reprochèrent-ils son inaction coupable, il ne voulut pas bouger !… De sorte que le général Davout, n’ayant avec lui que les vingt-cinq mille hommes dont se composaient les divisions Friant, Morand et Gudin, résista avec ces braves à près de quatre-vingt mille Prussiens, animés par la présence de leur roi !…

Les Français, en sortant du défilé de Kösen, s’étaient formés près du village de Hassenhausen ; ce fut vraiment sur ce point que la bataille eut lieu, car l’Empereur était dans l’erreur lorsqu’il croyait avoir devant lui à Iéna le Roi et le gros de l’armée prussienne. Le combat que soutinrent les troupes de Davout fut un des plus terribles de nos annales, car ses divisions, après avoir victorieusement résisté à toutes les attaques des fantassins ennemis, se formèrent en carrés, repoussèrent les charges