CHAPITRE XXX
La ville d’Iéna est dominée par une hauteur, nommée le Landgrafenberg, au bas de laquelle coule la Saale ; les abords du côté d’Iéna sont très escarpés, et il n’existait alors qu’une seule route, celle de Weimar, par Mühlthal, défilé long et difficile, dont le débouché, couvert par un petit bois, était gardé par les troupes saxonnes alliées des Prussiens. Une partie de l’armée prussienne était en ligne, en arrière, à une portée de canon. L’Empereur, n’ayant que ce seul passage pour arriver sur les ennemis, s’attendait à éprouver de grandes pertes en l’attaquant de vive force, car il ne paraissait pas possible de le tourner. Mais l’heureuse étoile de Napoléon, qui le guidait encore, lui fournit un moyen inespéré, dont je ne sache pas qu’aucun historien ait parlé, mais dont j’atteste l’exactitude.
Nous avons vu que le roi de Prusse avait contraint l’électeur de Saxe à joindre ses troupes aux siennes. Le peuple saxon se voyait à regret engagé dans une guerre qui ne pouvait lui procurer aucun avantage futur et qui, pour le présent, portait la désolation dans son pays, théâtre des hostilités. Les Prussiens étaient donc détestés en Saxe, et Iéna, ville saxonne, partageait ce sentiment de réprobation. Exalté par l’incendie qui la dévorait en ce moment, un prêtre de cette ville, qui considérait les