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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Pendant le séjour que nous fûmes contraints d’y faire, un spectacle horrible, épouvantable, consterna nos âmes. Les blessés, mais principalement ceux des Russes, s’étaient réfugiés pendant le combat dans les habitations où l’incendie les avait bientôt atteints. Tout ce qui pouvait encore marcher s’était enfui à l’approche de ce nouveau danger ; mais les estropiés, ainsi que les hommes gravement frappés, avaient été brûlés vifs sous les décombres !… Beaucoup avaient cherché à fuir l’incendie en rampant sur la terre, mais le feu les avait poursuivis dans les rues, où l’on voyait des milliers de ces malheureux à demi calcinés et dont plusieurs respiraient encore !… Les cadavres des hommes et des chevaux tués pendant le combat avaient été aussi grillés, de sorte que l’infortunée cité d’Hollabrünn répandait à plusieurs lieues à la ronde une épouvantable odeur de chair grillée, qui soulevait le cœur !… Il est des contrées et des villes qui, par leur situation, sont destinées à servir de champ de bataille, et Hollabrünn est de ce nombre, parce qu’elle offre une excellente position militaire ; aussi, à peine avait-elle réparé les malheurs que lui causa l’incendie de 1805, que je la revis, quatre ans après, brûlée de nouveau, et jonchée de cadavres et de mourants à demi rôtis, ainsi que je le rapporterai dans mon récit de la campagne de 1809.

Le commandant Massy et moi quittâmes ce foyer d’infection aussitôt que nous le pûmes et gagnâmes Znaïm où, quatre ans plus tard, je devais être blessé. Enfin nous joignîmes l’Empereur à Brünn le 22 novembre, dix jours avant la bataille d’Austerlitz.

Le lendemain de notre arrivée, nous nous acquittâmes de notre mission et fîmes la remise des drapeaux, avec le cérémonial prescrit par l’Empereur pour les solennités de ce genre, car il ne négligeait aucune occasion