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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

ainsi faire un beau voyage, avec la certitude de rejoindre le 7e corps avant qu’il fût aux prises avec les Autrichiens. Je gagnai rapidement Huningue et Bâle, je me rendis de là à Berne, à Raperschwill, où je laissai ma voiture ; puis je traversai à cheval, et non sans danger, le mont Splügen, alors presque impraticable. J’entrai en Italie par Chiavenna et joignis le maréchal Masséna auprès de Vérone.

Mais je ne fis que toucher barre, car Masséna était aussi impatient de me voir repartir avec sa réponse à l’Empereur, que je l’étais moi-même de rejoindre le maréchal Augereau, afin d’assister aux combats que son corps d’armée allait livrer. Cependant, ma course ne fut pas aussi rapide, au retour, qu’elle l’avait été en allant, parce qu’une neige fort épaisse, tombée depuis peu, couvrait non seulement les montagnes, mais aussi les vallées de la Suisse : il gelait très fort, les chevaux tombaient à chaque pas, et ce ne fut qu’en donnant 600 francs que je trouvai deux guides qui voulussent traverser le Splügen avec moi. Nous mîmes plus de douze heures à faire ce trajet, en marchant à pied dans la neige jusqu’aux genoux ! Les guides furent même sur le point de renoncer à aller en avant, assurant qu’il y avait danger imminent. Mais j’étais jeune, hardi, et comprenais l’importance des dépêches que l’Empereur attendait.

Je déclarai donc à mes deux guides que, s’ils reculaient, je continuerais ma route sans eux. Chaque profession a son point d’honneur ; celui des guides consiste principalement à ne jamais abandonner le voyageur qui s’est confié à eux. Les miens marchèrent donc, et après des efforts vraiment extraordinaires, nous arrivâmes à la grande auberge située au bas du Splügen, au moment où la nuit commençait. Nous eussions infailliblement péri si elle nous eût surpris dans la montagne,