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MISSION À BREST.

C’était un général de brigade employé au 7e corps. Il avait beaucoup de moyens et une ambition démesurée, mais il était tellement décrié sous le rapport de la probité, qu’aucun des officiers généraux ne frayait avec lui. Ce général, piqué de se voir ainsi repoussé par ses camarades, et voulant s’en venger, fit parvenir à l’Empereur une lettre où il dénonçait tous les généraux du 7e corps, ainsi que le maréchal, comme conspirant contre l’Empire ! Je dois à Napoléon la justice de dire qu’il n’employa aucun moyen secret pour s’assurer de la vérité, se bornant à faire passer au maréchal Augereau la lettre de S…

Le maréchal croyait être certain qu’il ne se passait rien de grave dans son armée ; cependant, comme il savait que plusieurs généraux et colonels tenaient des propos inconsidérés, il résolut de faire cesser cet état de choses ; mais craignant de compromettre des officiers auxquels il voulait laver la tête, il préféra leur faire porter ses paroles par un aide de camp, et il voulut bien m’accorder sa confiance pour cette importante mission.

Je partis de la Houssaye au mois d’août, par une chaleur affreuse, fis à franc étrier les cent soixante lieues qui séparent ce château de la ville de Brest, et autant pour revenir. Je n’étais resté que vingt-quatre heures dans cette ville ; aussi arrivai-je exténué de fatigue, car de tous les métiers du monde, je ne crois pas qu’il en soit un plus pénible que de courir la poste à cheval.

J’avais trouvé l’état des choses beaucoup plus grave que le maréchal ne l’avait pensé ; il régnait en effet une grande fermentation dans l’armée. Les paroles dont j’étais porteur ayant calmé les esprits des généraux, presque tous dévoués au maréchal, je retournai à la Houssaye.

Je commençais à me remettre de la terrible fatigue que je venais d’éprouver, lorsque le maréchal me dit un