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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Le général Pichegru, honteux de s’être associé à des assassins, et ne voulant pas montrer en public le vainqueur de la Hollande mis en jugement avec des chouans criminels, se pendit avec sa cravate dans la prison. On prétendit qu’il avait été étranglé par des mameluks de la garde, mais le fait est controuvé. D’ailleurs, Bonaparte n’avait pas besoin de ce crime, et il avait plus d’intérêt à montrer Pichegru avili devant un tribunal que de le faire tuer en secret.

Georges Cadoudal, condamné à mort ainsi que plusieurs de ses complices, fut exécuté. Les frères Polignac et M. de Rivière, compris dans la même sentence, virent leur peine commuée en celle de la détention perpétuelle. Enfermés à Vincennes, ils obtinrent au bout de quelque temps l’autorisation d’habiter sur parole une maison de santé ; mais, en 1814, à l’approche des alliés, ils s’évadèrent et allèrent rejoindre le comte d’Artois en Franche-Comté ; puis, en 1815, ils furent les plus acharnés à poursuivre les bonapartistes.

Quant au général Moreau, il fut condamné à deux ans de détention. Le premier Consul le gracia, à condition qu’il se rendrait aux États-Unis. Il y vécut dans l’obscurité jusqu’en 1813, où il vint en Europe se ranger parmi les ennemis de son pays, et mourir en combattant les Français, confirmant par sa conduite toutes les accusations portées contre lui, à l’époque de la conjuration de Pichegru.

La nation française, fatiguée des révolutions, et voyant combien Bonaparte était nécessaire au maintien du bon ordre, oublia ce qu’il y avait eu d’odieux dans l’affaire du duc d’Enghien, et éleva Bonaparte sur le pavois, en le proclamant empereur le 25 mai 1804. Presque toutes les cours reconnurent le nouveau souverain de la France. À cette occasion, dix-huit généraux,