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PICHEGRU, MOREAU ET CADOUDAL.

conférer avec lui sur le projet de descente en Irlande. Je fus du voyage.

À notre arrivée à Paris, nous trouvâmes l’horizon politique très chargé. Les Bourbons, qui avaient espéré que Bonaparte, en prenant les rênes du gouvernement, travaillerait pour eux, et se préparait à jouer le rôle de Monck, voyant qu’il ne songeait nullement à leur rendre la couronne, résolurent de le renverser. Ils ourdirent à cet effet une conspiration ayant pour chefs trois hommes célèbres, mais à des titres bien différents : le général Pichegru, le général Moreau et Georges Cadoudal.

Pichegru avait été professeur de mathématiques de Bonaparte au collège de Brienne, qu’il avait quitté pour prendre du service. La Révolution le trouva sergent d’artillerie. Ses talents et son courage l’élevèrent rapidement au grade de général en chef. Ce fut lui qui fit la conquête de la Hollande au milieu de l’hiver ; mais l’ambition le perdit. Il se laissa séduire par les agents du prince de Condé, et entretint une correspondance avec ce prince, qui lui promettait de grands avantages et le titre de connétable, s’il employait l’influence qu’il avait sur les troupes au rétablissement de Louis XVIII sur le trône de ses pères. Le hasard, ce grand arbitre des destinées humaines, voulut qu’à la suite d’un combat où les troupes françaises commandées par Moreau avaient battu la division du général autrichien Kinglin, le fourgon de celui-ci, contenant les lettres adressées par Pichegru au prince de Condé, fut pris et amené à Moreau. Il était l’ami de Pichegru, auquel il devait en partie son avancement, et dissimula la capture qu’il avait faite tant que Pichegru eut du pouvoir ; mais ce général, devenu représentant du peuple au conseil des Anciens, ayant continué d’agir en faveur des Bour-